Notes de Soirée : Solidarité et justice sociale dans le prix de l’eau : réunion publique de ATTAC 92 Clamart, le 22 janvier 2010

, par attac92clamart

Suite à la réunion publique de ATTAC 92 Clamart1, le 22 janvier 2010, " Solidarité et justice sociale dans le prix de l’eau", avec Jean-Claude Oliva (Coordination Eau Ile-de-France) et Jacques Perreux (vice-président du Conseil Général du 94)

 

Voici les notes rédigées de la soiée : L’introduction, puis les interventions avec le débat.

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Introduction

 

L’eau est un sujet à tiroir.

A partir de l’eau, on parle des services publics et des multinationales, de l’Europe et de ses directives, des revenus des ménages, de la pollution, de assainissement, des médicaments que nous ingérons et qui se retrouvent dans la nature et donc de la pollution des cours d’eau, etc …

A ATTAC, le thème de l’eau n’est pas une priorité. Mais il se retrouve à tous les niveaux de la mondialisation de la finance et de l’oppression et de la domination dans les rapports sociaux et la nécessité écologique dans notre société.

Ce soir, nous allons parler de deux choses : de la tarification sociale et du SEDIF (Syndicat des Eaux d’Ile de France).

La tarification sociale, c’est une aide sociale en fonction des revenus des ménages. Actuellement, il n’y a pas à proprement parler de système d’aide : le dispositif actuel, via le Fonds de solidarité logement (FSL) ne touche qu’une partie infime des familles concernées. Donc, nous discuterons de ce que serait un système efficace qui permettrait que l’eau qui nous est indispensable à tous pour vivre et qui est consubstantielle de notre mode de vie occidental. Par exemple, les énormes progrès hygiéniques de l’occident depuis 1 siècle sont essentiellement dus aux toilettes à chasse d’eau, au réfrigérateur, à l’eau potable au robinet pour tous, aux égouts et aux vaccinations. Chacun notera combien de fois l’eau a été citée.

Nous parlerons aussi de l’eau du robinet des franciliens et son gestionnaire le SEDIF. Clamart, comme 144 communes de la petite couronne autour de Paris se sont regroupées depuis 1 siècle dans un syndicat, qui aujourd’hui approvisionne 4 millions d’habitants. Ce soir, nous fêterons avec un peu de retard le vote calamiteux du 11 décembre 2008. Ce vote scélérat a autorisé nos représentants municipaux à continuer avec le même prestataire de service, la multinationale non-française Véolia, malgré des indus estimés entre 45 et 90 millions d’euros. Ce vote n’a été possible que par la complicité de certaines forces de gauche, bizarrement acquoquinées à Véolia depuis plusieurs décennies. 

Nous discuterons de tout cela avec Jean-Claude Oliva, journaliste et Président de la Coordination Eau-Île de France (http://eauidf.blogspot.com) et Jacques Perreux, vice-Président du Conseil Général du Val de Marne.

 

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Interventions et débat

 

Où en est-on avec le SEDIF ?

 

La Coordination Eau – Ile de France2 a été inestimable pour fédérer ceux qui voulaient mener ce combat.

L’instruction du recours (contre le vote du 11/12/2008, qui décida de confier à nouveau la distribution de l’eau en Ile-de-France à une entreprise multinationale) sera close prochainement ; il peut arrêter la procédure. On peut espérer une réponse d’ici l’été. Chacun y a intérêt. Le président du SEDIF et les entreprises concourantes, qui peuvent craindre de ne pouvoir aller au bout du processus de mise en place du nouveau contrat (à partir du 1er janvier 2011) qui peut être retoqué, ce qui relancerait toute la procédure. La coordination et les usagers en attendent une bonne nouvelle et surtout l’occasion de ne pas s’essouffler et de continuer une mobilisation citoyenne qu’il n’est pas aisée à maintenir forte.

Quoi qu’il en soit, ce qu’on a déjà gagné c’est la légitimité du débat, qui n’existait pas dans l’opinion il y a encore 18 mois. Ce combat s’inscrit dans le combat général pour les services publics et la lutte contre le capitalisme. En prenant exemple sur Paris, on peut indiquer à tous que c’est possible, que c’est semé d’embûches et de mauvaise fois. Mais que ça peut amener à une belle réalisation, qui n’est pas exempte de défaut, que l’on se doit de critiquer. Encore faut-il ne pas se tromper sur les critiques et ne pas mélanger nos arguments avec ceux de nos adversaires.

Le vote du 11 décembre 2008 a eu lieu à bulletin secret ; ce subterfuge a permis à beaucoup de votants (élus municipaux représentant leur conseil municipal) de cacher leur vote, différent de leur promesse. L’usage du secret est réservé aux votes nominatifs (pour une personne). On pouvait s’attendre à cette manœuvre, mais ses proportions ne l’étaient pas : dans quelle proportion jouerait-il pour un camp ou l’autre ? Des élus de droite ont voté contre la proposition du Président du SEDIF. Chacun regrettera que ceux qui ont voté autre chose que ce qu’ils avaient annoncé, ne soient pas sanctionné : ni par leur parti ni par leurs électeurs.

Le 4 décembre 2009, les Désobéissants3 ont investi le siège du SEDIF, pour fêter l’anniversaire du vote du 10 décembre 2008 qui décida la forme juridique du contrat : Délégation de Service Public. Ils ne savaient pas à ce moment que André Santini était dans les lieux. Lorsqu’ils l’apprirent, ils demandèrent à le rencontrer et qu’il porte leurs questions à l’occasion de la prochaine assemblée du SEDIF. Ce qui fût fait. N’oublions pas que Mr Santini est tête de liste dans les Hauts de Seine pour les prochaines élections régionales.

 

 

La tarification sociale de l’eau : quelles solidarité et justice sociales ?

 

D’une manière générale, les question liées à l’eau véhiculent certains enjeux majeurs. Ce qui est visé c’est : le droit à l’accès à l’eau, la nécessité écologique (avoir une ressource qui soit de qualité et préservée) et des accords de gestion entre pays frontaliers, qui partagent la même ressource.

L’Obusass (association d’usages qui s’occupe de l’assainissement de l’eau) a diffusé une étude sur la charge financière de l’eau dans les revenus des ménages : elle occille entre 10% pour les ménages pauvres et moins de 1% pour les plus aisés. Reprennant les préconisations de l’OCDE, l’Obusass estime que le poids de l’eau ne doit pas dépasser 3% des revenus pour rester à la limite des conditions économiquement acceptables. Ce seuil fait consensus parmi ceux qui s’intéressent aux inégalités sociales. En ce qui concerne l’au-delà des 3% et qui payera, il y a moins de consensus, car l’inégalité sociale n’est pas supprimée. Elle est à peine palliée, mais pas attaquée.

Pour cibler précisément ce système inégalitaire, la Coordination Eau – Ile de France, propose un autre calcul du tarif de l’eau : une première tranche, qui correspond aux besoins vitaux, évaluée entre 10 et 40 litres par jour et par personne. Au delà, trois tarification s’appliquent et qui sont fonction de la consommation et de la composition du ménage. Ces trois tarifications appliquent une progressivité entre elles : celle de la consommation par individus. Plus je consomme (par individu du ménage), plus ça me coûte. Cette proposition s’oppose directement au système de calcul actuel du SEDIF qui est dégressif. Les études de factures montrent, qu’avec le SEDIF, ceux qui consomment le plus d’eau obtiennent un coût au m3 inférieur à ceux qui consomment le moins.

Ces trois tarifications (dont les seuils sont à finaliser) ont le grand intérêt de n’avoir besoin d’aucun intermédiaire pour être appliqué. La mesure proposée par l’Obusass nécessite les services de la CAF pour reverser l’allocation compensatrice pour l’au-delà des 3%. Ici c’est la quantité consommée par individu qui calcule le prix final. Ces trois tranches, qui discriminent fortement les catégories sociales par leur usages et leurs revenus (les pauvres n’ont pas de piscine … ni de jaccuzzi !), peuvent être qualifiée de « faible », « modérée » ou « intermédiaire » et « élevée ».

L’enquête de l’Obusass a estimé à 16 millions d’euros par an les aides compensatrices à reverser. Ce montant est à comparer au contrat de 300 millions d’euros annuels que Véolia facture encore au SEDIF, jusqu’au 31 décembre 2010 pour l’approvisionnement. A cela, il faut soustraire 30 à 90 milions d’euros indus (non justifiés par les factures et bilans comptables). Cette fourchette est issue des nombreuses estimations rendues publiques et faites à partir de plusieurs modes de calcul, dont les livres de compte que le SEDIF a mis à disposition de l’UFC Que Choisir. On constate que l’argent ne sera pas difficle à trouver !

La première tranche, qui correspond aux besoins humains, peut être qualifiée de gratuite. Mais le point important est qu’elle est située hors-marché : les besoins humains ne peuvent être marchandisés, laissés à la libre-appréciation du marché mondialisé. Proclamer le « droit à l’eau pour tous », que « l’eau est un Bien Commun de l’humanité », qu’elle est biologiquement nécessaire à la vie humaine (la vie animale aussi !) implique de la situer en dehors des rapports de force sociaux et donc de reporter, par prélèvement socialisé, son paiement sur les tranches au delà (des 10 à 40 litres). Ce qui équivaut à en instaurer sa gratuité. La vertu de ce système est qu’il encourage à économiser. C’est l’application du principe « moins je consomme (par individu du ménage), moins je paye ». On peut aussi considérer dans cette première tranche une présence renouvelée des Services Publics.

La force des services publics réside dans l’absence des dividendes et autres bonus financiers. Il n’y a pas d’actionnaire à rétribuer, ni qui viendra syphoner les bénéfices. L’argent investi par tous et pour tous n’est jamais perdu, sauf à n’être utilisé que pour ceux à qui il ne manque pas. Ne pas avoir à retribuer l’actionnaire est une grande économie, surtout à une époque où les fonds de rétraités exigent au moins 10% d’augmentation annuels de leur dividende. Mais les services publics ne se réduisent pas à l’installation de système de tarification sociale. Ils servent aussi à promouvoir des évolutions dans les usages. Dans le Val de Marne, le conseil général ne fait pas payer ses conseils aux entreprises pour diminuer leur pollution. Cette dépense est socialisée et bénéficie à tous. Cette manière incite beaucoup plus efficacement les entreprises à utiliser des systèmes moins polluants et les responsabilise de manière plus efficace. C’est une démarche de dialogue et de prévention mise en oeuvre vis a vis des industriels, pour les aider a se mettre en conformité avec la réglementation et a limiter leurs pollutions. Elle produit des résultats très satisfaisants ... mais il va falloir y renoncer ... à cause des traités européens, car ces actions départementales et socialisantes sont susceptibles de ... fausser la concurrence intra européenne !

Un autre exemple d’action locale : le prochaine ré-ouverture de la Bièvre, qui fut couverte pendant plusieurs décennies, après qu’on y eut jeté tout et n’importe quoi. Après l’avoir laissée tranquille, par consensus général, on constate qu’elle est redevenue saine et que tous vont pouvoir en profiter. D’une manière générale, on constate que la pollution diminue en France depuis 20 ans.

L’Europe a décidé la remise à niveau écologique des cours d’eau (bassin d’assainissement Seine-Normandie, par exemple). Pour tenir la date limite de 2015, il faudrait un budget de 18 milliards d’euros. Ce qui équivaut à une augmentation de 240% de la facture d’eau. Des négociations ont permis de répartir en trois tranches les travaux à réaliser et de les étaler sur trois échéances entre 2015 et 2027. La facture globale ne sera plus que de 11 milliards.

On estime que 70% masses d’eau de la planète sont polluées.

L’eau est à la base des solidarités humaines : les fleuves sont connectés entre eux et les pays à bordures maritimes partagent les mêmes eaux sous l’effet de la circulation des courants marins, qui passent d’une mer à l’autre et d’un hémisphère à l’autre, sans limitation de frontière humaine, mais sous l’effet des masses de chaleur et des salinités. En sortant de l’échelle géographique, et en considérant l’échelle temporelle, on peut également considérer que les fleuves (et les mers) sont connectés entre eux dans le temps et que leur dessin n’est figé que par la volonté humaine qui tente de les maîtriser. Leur cours a toujours été fluctuant et évoluant, dessinant la surface de la planète. Les hommes ne font que choisir les lieux les plus propices pour s’implanter.

 

Merci beaucoup à avec Jean-Claude Oliva et à Jacques Perreux.