G20 : Les peuples avant la finance !

, par attac92clamart

Texte rédigé par ATTAC-France et disponible en pdf : http://www.france.attac.org/spip.php?action=acceder_document&arg=8565&cle=e017f76c4b5e9f47e8cd8e30a615026a2412d593&file=pdf%2F4pG20.pdf

Alors que la France a pris la présidence du G20 en novembre 2010, la riposte des mouvements citoyens s’organise, et Attac entend bien y jouer un rôle moteur.

Sommaire

* La régulation financière et le G20 : chronique d’un fiasco
* Séoul : Le G20 s’installe en gestionnaire du monde
* Quels enjeux de la présidence française du G20 ?
* Réussir une mobilisation massive face aux G8 et G20

En ce début 2011, alors que la crise globale continue d’enchaîner ses épisodes et rebondissements, la coordination mondiale des politiques que le G20 était supposée promouvoir est plus éloignée que jamais. Dans les pays riches, le sauvetage des banques et des fonds spéculatifs, ainsi que la récession provoquée par la crise financière, ont reporté vers les États le fardeau des dettes privées. Toutefois les États-Unis et l’Union européenne ont choisi des voies divergentes. Alors que l’administration Obama s’appuie sur la force du dollar pour financer son déficit budgétaire et commercial en attirant les capitaux internationaux et en laissant filer sa dette, l’Union européenne a choisi de réduire aux forceps ses déficits publics par des politiques récessives. Les pays émergents, quant à eux, étaient restés en grande partie à l’écart de la mondialisation financière, leurs systèmes bancaires ont donc été beaucoup moins affectés par la crise : ils continuent à connaître une forte croissance qui leur permet d’augmenter encore leur poids dans l’économie mondiale, sans toutefois qu’aucun d’eux puisse encore prétendre détrôner les États-Unis.

Les marchés financiers, dont les dérives délirantes ont presque provoqué un gigantesque effondrement global, ont retrouvé toute leur arrogance. Avec l’appui de leur allié de toujours, le FMI, et avec la complicité de la Commission européenne et des gouvernements nationaux, ils contraignent les pays européens à des plans d’austérité brutaux. En même temps, les fonds spéculatifs et les banques ont repris de plus belle leurs pratiques spéculatives sur les cours des matières premières et des produits agricoles, qui sont repartis à la hausse sur les marchés de produits dérivés. Les banques ont retrouvé des profits confortables et distribuent à nouveau des bonus records à leurs traders. Les déséquilibres commerciaux mondiaux étant toujours à l’œuvre – énormes excédents commerciaux chinois, allemands et japonais, énormes déficits des États-Unis et de plusieurs pays européens – , les rivalités entre puissances s’aiguisent sous la forme d’une « guerre des monnaies » favorisée par le déchaînement de la spéculation sur les devises.

2011 est pour Nicolas Sarkozy l’année de la dernière chance. Il n’a cessé de mener ouvertement une politique économique et sociale au service exclusif des actionnaires et des grandes fortunes. Ceci l’a discrédité aux yeux d’une large fraction de ses électeurs de 2007, comme l’a montré le très large soutien de la population au mouvement contre le réforme des retraites. Président du G20, il va sans aucun doute multiplier les fanfaronnades sur la régulation et la moralisation du capitalisme, contre la dictature de la finance et du court terme. Pour restaurer une image ruinée dans l’opinion publique française, il va se mettre en scène comme héros sauveur de la planète, réformateur du système financier et monétaire international, homme d’État à la vision planétaire. Mais ces prétentions dérisoires ne feront pas illusion. Si certains mouvements à l’étranger peuvent être sensibles au discours sarkozien sur la régulation du capitalisme ou la dénonciation des logiques financières, la société civile en France n’a aucune illusion sur la cohérence et la capacité d’action concrète de Nicolas Sarkozy dès lors que les intérêts de ses mandants, les milieux d’affaires, seraient touchés. Nous allons donc nous mobiliser tout au long de l’année 2011, avec nos partenaires nationaux et internationaux, pour dénoncer le double langage de ce président, illusionniste fatigué.

Les mobilisations contre le G8
au cœur de la construction du mouvement altermondialiste

Les premiers G7, dans les années 1970, s’étaient tenus sans entraîner de mobilisations militantes. En 1984, avec les premiers pas vers la mondialisation économique et financière et la « crise de la dette » des pays du Sud, le premier contre-sommet, le « TOES » (The Other Economic Summit), a été lancé à Londres par un groupe d’ONG. En France, en 1989, une nouvelle édition du TOES s’est tenue, mais c’est la manifestation et le concert organisés sous le mot d’ordre « Ça suffat comme ci » qui ont marqué cette date, qui était également le bicentenaire de la Révolution française.
Les années 1990 sont celles de l’accélération du processus de mondialisation et de l’émergence du mouvement altermondialiste. En Grande-Bretagne, c’est le lancement de la campagne pour l’annulation de la dette des pays en développement, « Jubilee 2000 » avec une manifestation de 70 000 personnes à Birmingham, lors de la tenue du G7. L’année suivante ce sera à Bonn, en Allemagne, avec une nouvelle manifestation de masse pour l’annulation de la dette.
Seattle, en novembre 1999, puis le premier Forum social mondial, à Porto Alegre, en janvier 2001, vont changer la donne et permettre au mouvement altermondialiste de se construire comme acteur global, contestant les différentes facettes de la mondialisation libérale. Les contre-G8 vont être des moments essentiels d’affirmation de ce nouveau mouvement : à Gênes, en juillet 2001 ou à Évian en juin 2003 face au G8, avec à chaque fois des centaines de milliers de manifestants et des activités diverses (manifestations, contre-sommets, camps alternatifs).
Les années suivantes, les mobilisations vont se poursuivre avec un impact moindre, mais, en 2007, à Heiligendamm, en Allemagne du Nord, ce seront à nouveau des dizaines de milliers de manifestants qui se retrouveront. Le contre-sommet d’Heiligendamm a d’ailleurs largement contribué à la mise en visibilité d’Attac Allemagne auprès de l’opinion publique allemande.

Depuis 2008 et l’éclatement de la crise financière, ce sont les G20 qui ont été érigés en espaces de coordination pour les pays les plus puissants. Le G8 était le lieu exclusif des pays riches, qui y confrontaient leurs expériences et leurs problèmes.
En intégrant les pays émergents, dont les mouvements sociaux, comme en Inde ou au Brésil, avaient été déterminants dans la construction du mouvement altermondialiste au Sud, les G20 posent de nouvelles questions aux mouvements sociaux. Les forces sociales des pays nouvellement cooptés dans le G20 semblent pour le moment moins engagés dans sa critique, plus enclins à soutenir leurs gouvernements s’ils luttent contre l’hégémonie des pays industrialisés et défendent leurs intérêts dans cette nouvelle arène. La crise financière – problème de riches – a du reste moins touché directement ces pays.
Les mouvements sociaux des pays riches sont quant à eux confrontés à des attaques sociales, sans précédent depuis 1945, sur les salaires, les retraites, la protection sociale, qui les mobilisent intensivement sur le plan national.

En 2010, sous le mot d’ordre « À table avec le G20 », plus de 10 000 personnes se sont quand même retrouvées en juin à Toronto, au Canada, face à la fois au G8 et au G20, malgré une très forte répression (1 500 arrestations préventives). Plus de 40 000 personnes se sont mobilisées à Séoul, en novembre, face au G20, à l’appel du syndicat KCTU (Korean Confederation of Trade Unions) et d’une soixantaine de mouvements de la société civile.
La situation politique en France et sur le plan mondial a profondément changé depuis 2003 et le grand succès de mobilisation qu’avait été Évian, pour Attac et tous ses partenaires. C’est pourquoi ces G8 et G20 qui se tiendront en France en 2011 nous obligent à penser des mots d’ordre et des formes de mobilisation qui s’inscriront dans la continuité du mouvement social de 2010 sur les retraites et à la critique de la politique du gouvernement Sarkozy, mais qui dans le même temps offriront une perspective de résistance plus globale à tous les mouvements sociaux et citoyens résolus, sur tous les continents, à s’opposer à l’ordre mondial que le G20 tente de relégitimer.

La régulation financière et le G20 : chronique d’un fiasco

Les précédents sommets du G20

Washington, 15 et 16 novembre 2008
C’est le premier G20 après l’éclatement de la crise financière, présidé par George W. Bush. Ses conclusions réhabilitent immédiatement le FMI au cœur du dispositif et mettent le monde en garde contre les tentations protectionnistes. Alors que la nouvelle administration Obama n’est pas encore en place, l’équipe de George Bush douche l’enthousiasme des membres de l’Union européenne, pourtant arrivés avec une feuille de route très ambitieuse.

Londres, 2 et 3 avril 2009
Après six mois d’attentisme et de réhabilitation des FMI, OMC et politiques d’austérité, les mouvements sociaux et citoyens convergent dans la capitale britannique pour crier leur refus du « business as usual » et appeler à une rupture profonde. Mais le G20 de Londres réaffirme le rôle central des fauteurs de crise dans la définition des réponses à lui apporter ; il ne se dote d’aucun moyen nouveau, appelle au sauvetage des banques par les contribuables, et met en scène la grande supercherie des paradis fiscaux déclarés désormais disparus.

Pittsburgh, 24 et 25 septembre 2009
Le G20 de Pittsburgh se conclut surtout sur la fixation du prochain G20 de Séoul et la réaffirmation de son agenda défini à Londres. Sa déclaration finale exprime toute sa satisfaction d’être parvenu à sauver le système financier mondial de l’effondrement et se félicite du retour de la croissance. Elle mentionne également la nécessité de réglementer les rémunérations des traders et banquiers, sans toutefois faire la moindre proposition.

Toronto, 26 et 27 juin 2010
Face à une mobilisation populaire de grande ampleur, au Canada et dans le monde entier, les chefs d’État ou de gouvernement des pays du G20 se réunissent sous la présidence de Stephen Harper, Premier ministre libéral du Canada. Ils s’accordent sur la nécessité de conclure une réforme du FMI lors du G20 de Séoul, de même que la création de règles sur les niveaux minimaux de fonds propres pour les banques et établissements financiers. Ils mettent en place un groupe de travail sur le développement, qui devra formuler des propositions d’action à Séoul. N. Sarkozy et A. Merkel, en dépit d’une détermination largement médiatisée, n’obtiennent pas la taxe sur les transactions financières qu’ils appellent de leurs vœux depuis plusieurs mois.

Les réalisations du G20 depuis 2008

La remise à flots du FMI
Avant la crise financière, le FMI était une institution discréditée et démoralisée. Les pays du Sud refusaient de plus en plus fermement sa tutelle. Les échecs répétés de ses politiques aveugles, et les critiques récurrentes des altermondialistes et d’économistes officiels comme Joseph Stiglitz, avaient sapé sa crédibilité. Pire encore, le FMI, soi-disant garant de la stabilité financière mondiale, n’a strictement rien vu venir de cette crise.

Au lieu de prendre les sanctions qui s’imposaient, le G20 lui a donné une nouvelle jeunesse. La principale mesure concrète du G20 de Londres fut la décision de doter le FMI de ressources nouvelles très importantes, à hauteur de 1 000 milliards de dollars, dont 500 sous forme de droits de tirage spéciaux, pour financer les pays en difficulté. Cette relance du FMI a été effectuée sans aucune réforme de l’institution. Le FMI est même devenu, à la faveur de la crise de l’euro au premier semestre 2010, et à la demande expresse de la Commission et des dirigeants européens, le chef d’orchestre de plans d’ajustement structurel d’une brutalité rare au cœur même de l’Europe.

Le gigantisme des banques
Le G20 de Londres a également annoncé son intention de s’attaquer au problème posé par l’existence de grands groupes bancaires et financiers susceptibles, par leur défaillance, d’engendrer une crise globale (systémique) du système bancaire. Ces acteurs sont également dangereux pour les déposants car leur activité spéculative sur les marchés peut conduire à des pertes qui empêchent le remboursement des dépôts et peuvent créer des paniques chez les clients.

En réponse, le G20 de Londres a créé une nouvelle institution internationale : le Conseil de stabilité financière, dont l’une des missions sera de traiter ce problème des « entités systémiques », sans aucun mandat précis, et certainement pas celui, par exemple, d’ordonner la séparation entre banques de dépôt et banques d’investissement.

La régulation des opérations spéculatives
Le G20 a annoncé par ailleurs sa volonté de d’encadrer les hedge funds (fonds spéculatifs), et de contrôler les banques en limitant les opérations qui avaient contribué à la crise (titrisation, produits dérivés, « hors-bilan »). En fait, le G20 prône des mesures générales, mais ce sont les États qui les mettent ou non en musique. Or, dans l’Union européenne et aux États-Unis, cette volonté de contrôler les hedge funds s’est limitée à contraindre ceux-ci à s’enregistrer auprès des autorités nationales, sans remettre en cause leur activité spéculative.

La « suppression » des paradis fiscaux
Le comble de la supercherie a été atteint par la décision prise en 2009 au G20 de Londres concernant les paradis fiscaux. Le 2 avril 2009, au soir du G20, la liste noire comprenait 4 pays et la liste grise 38. Dans le classement du 20 novembre 2009 (G20 de Pittsburgh), plus aucun pays ni île exotique ne portait plus le noir, et seulement 29 noms restaient affublés de la couleur grise. Monaco, Luxembourg et les autres se sont « blanchis » parce qu’ils ont conclu au moins 12 conventions d’échanges d’informations avec d’autres pays (dont certains sont eux-mêmes des paradis fiscaux). Ce qui a permis à Sarkozy d’affirmer que le problème des paradis fiscaux avait été résolu.

La « moralisation » des bonus des traders
Le G20 de Pittsburgh (2009) a décidé de réguler les bonus des traders et des dirigeants de banques. Mais, en fait, le G20 ne fait que proclamer des grands principes généraux. Des recommandations vagues n’ont, de l’avis général, guère modifié les politiques de bonus des grandes banques, dont les dirigeants aiment à invoquer la concurrence entre traders pour verser à ceux-ci – et se verser par la même occasion – des bonus extravagants.

Aux États-Unis, Barack Obama s’est refusé à plafonner les bonus. En France et au Royaume-Uni, les gouvernements ont taxé les bonus en 2009, pour inciter les banques à les réduire. Cela ne semble pas avoir fonctionné du tout, puisqu’au contraire les montants sont en hausse [1]. En juillet dernier, le Parlement européen a voté une réglementation visant à étaler dans le temps le versement du bonus et à plafonner son montant sur la base du salaire fixe : un trader ne pourrait pas par exemple toucher des bonus qui dépassent 2, 3 ou 4 fois son salaire fixe. Mais l’Espagne, le Royaume-Uni... et la France [2] sont opposés à cette mesure ! Le vote du Parlement risque de rester lettre morte.

Le renforcement des règles prudentielles pour les banques
Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a annoncé une réforme visant à augmenter les ratios obligatoires de fonds propres des banques (réforme Bâle III, annoncée au G20 de Toronto en juin 2010). L’idée est d’obliger les banques à détenir en permanence davantage de ressources mobilisables pour faire face à d’éventuelles pertes et rassurer les clients et investisseurs. La réforme annoncée n’a pas déplu aux banques, bien au contraire [3]. Mais elle est moins rigoureuse que prévu, et ne s’appliquera qu’en 2019 ! Et elle aura fondamentalement les mêmes effets pervers que le dispositif précédent (Bâle II), en mettant encore plus les banques sous la domination des marchés (où elles puisent leurs fonds propres).

Les taxes sur le système financier
À Pittsburgh, en novembre 2009, il avait été décidé que le sommet de Toronto (juin 2010) prendrait des décisions majeures pour faire contribuer le système financier au coût de son sauvetage. Mais aucune des propositions présentées dans le rapport commandé au FMI n’a finalement été adoptée, chaque pays étant laissé libre de mettre en place son propre système de taxation bancaire. Alors que la France et l’Allemagne avaient demandé que soit décidé à Toronto le principe d’une taxe sur les transactions financières – une sorte de taxe Tobin – pour financer le développement, le G20 a refusé toute initiative en ce sens.

Pourquoi ce piteux bilan du G20 ?
Deux raisons majeures à ce bilan si peu convaincant. D’une part, une fois la période apocalyptique de la fin 2008 passée, l’industrie financière, sauvée par les États, a réaffirmé sa domination sur les décideurs politiques. La primauté et l’intégrité des marchés financiers demeurent les objectifs finaux que poursuit la nouvelle régulation financière du G20 et des gouvernements. La crise est interprétée non pas comme un résultat inévitable de la logique des marchés dérégulés, mais comme l’effet de « la malhonnêteté et de l’irresponsabilité de certains acteurs financiers mal encadrés par les pouvoirs publics » [4]. En particulier, les réformes refusent toute mesure qui, telle la taxe Tobin, réduirait le volume global des transactions financières, ou telle la séparation des banques de dépôt et de crédit, réduirait la taille des institutions financières.

D’autre part, l’incapacité du G20 à réguler un tant soit peu la finance tient aussi à ses divisions internes. Les pays émergents – Chine, Brésil, Inde, Indonésie, Russie... – n’ont pas été aussi gravement touchés par la crise financière et ne voient pas pourquoi ils soumettraient leurs banques à des taxes ou des régulations strictes alors qu’elles n’ont pas eu de responsabilités majeures dans cette crise. Et des pays comme le Brésil ont su prendre des initiatives unilatérales – comme une forte taxation des entrées de capitaux – pour se prémunir contre des vagues spéculatives qui provoquaient une appréciation importante de leur monnaie et dégradaient la compétitivité de leurs exportations.

Mais l’échec du G20 tient surtout à la volonté des États-Unis, qui ont souhaité conserver toute leur autonomie en matière de réforme financière. De façon à préserver les intérêts de Wall Street, l’administration étasunienne – dirigée par des hommes de la finance comme Timothy Geithner ou Lawrence Summers – a préféré concocter unilatéralement son projet de régulation financière, la loi « Dodd-Frank » adoptée par le Congrès et signée par le président Obama en juillet 2010.

Qui siège au G20 ?

Les pays du G8 : Allemagne, Canada, France, Royaume-Uni, Italie, Japon, États-Unis, Russie.
Quatre pays asiatiques : Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie.
Trois pays d’Amérique latine : Argentine, Brésil, Mexique.
L’Union européenne en tant que telle.
Quatre autres pays : Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Australie, Turquie.
Chaque État membre, en plus de son chef d’État ou de gouvernement, est représenté par son ministre des finances, voire le président de la Banque centrale quand il en a une. Les responsables des principales institutions internationales sont également invités : Nations unies, FMI, Banque mondiale, OMC, OIT, OCDE et Forum de stabilité financière.

Séoul : Le G20 s’installe en gestionnaire du monde

Premier sommet présidé par un pays non-membre du G8, le G20 de Séoul s’est tenu les 11 et 12 novembre derniers. Au programme : un plan d’action pour la croissance mondiale, l’adoption de Bâle III, l’achèvement de la réforme du FMI et les « filets de sécurité financiers ».

Peu d’avancées majeures des réformes financières, puisque le G20 n’a fait qu’entériner les propositions issues du G20 des ministres des finances du 22 octobre 2010 à Gyeongju (réforme du FMI et adoption de Bâle III). Sur la croissance économique, le G20 a trouvé un accord pour aller plus loin dans la mise en place de fonds régionaux d’aide anti-crise (safety nets), qui se veulent des mécanismes de protection des pays les plus vulnérables en cas de nouvelle crise financière.

Une nouveauté cependant, marque de la présidence coréenne de ce G20 : le Consensus de Séoul pour la croissance partagée, traduit par un plan d’action pluriannuel. Articulé autour de six principes (croissance, partenariat, questions systémiques, participation privée, complémentarité, résultats) et de neuf aires d’activité, le texte énonce les conditions de la croissance économique et durable pour les pays en développement et à faibles revenus. Ce plan d’action passe essentiellement par la construction d’infrastructures et les partenariats public-privé.

Mais, fait marquant, ce cinquième sommet s’est ouvert sur fond de « guerre des devises ». Déclenchée par l’injection de 600 milliards de dollars par la Banque centrale des États-Unis dans l’économie américaine, elle a hanté ce sommet des chefs d’État ou de gouvernement. Présentée comme une dévaluation compétitive de la monnaie américaine (énième tentative des États-Unis pour relancer sa croissance intérieure), elle aurait néanmoins des conséquences globales puisque l’ensemble des monnaies est indexé sur le dollar.

À ce programme, les mouvements sociaux ont opposé la Conférence internationale des peuples pour discuter et proposer leurs solutions à la crise globale.

Le 6 novembre, 40 000 personnes se sont rassemblées sur une place du centre-ville de Séoul. Cette première action à l’initiative de la KCTU, la grande centrale syndicale coréenne [5], contestait à la fois la légitimité auto-proclamée du G20 à énoncer les solutions à la crise globale, et l’utilisation du sommet par le gouvernement coréen comme prétexte pour accroître sa répression sur les migrants, les vendeurs de rue et les sans-abri, et plus généralement pour restreindre drastiquement les droits démocratiques : tract rappelant qu’il était interdit de manifester, contrôle renforcé aux frontières, expulsion de nombreux participants à leur arrivée dans le pays (malgré l’obtention préalable de leur visa et leurs profils essentiellement académiques), déménagement de la Conférence des peuples la veille de son ouverture, le gouvernement coréen n’accepterait aucun écart et le faisait savoir.
Résultat : malgré un contenu intéressant traitant de la régulation financière, du droit des travailleurs, de l’emploi, du changement climatique, des accords de libre-échange (notamment de celui entre la Corée du sud et les États-Unis contesté par une coalition large de syndicats et d’associations coréennes), la Conférence des peuples a connu une affluence relativement modeste. La manifestation de clôture (à laquelle ont participé 10 000 personnes) a profité d’une très bonne couverture médiatique.
Quels enjeux de la présidence française du G20 ?

La France a pris la présidence du G20 le 12 novembre 2010, à l’issue du G20 de Séoul. Elle prendra début janvier 2011 la responsabilité du G8, qui devrait se tenir à Deauville fin mai 2011. Le G20 des chefs d’État ou de gouvernement aura lieu, quant à lui, les 3 et 4 novembre de la même année. Ils doivent être accompagnés de G8 et G20 thématiques, notamment trois G20 finance (les 17 et 18 février, en juin et en octobre à Paris), un G8 affaires étrangères en mars, un G20 social en mars également, un G20 agriculture fin mai...

D’autres sommets devraient s’ajouter, comme ceux qui impliqueront le secteur privé, qui opère un lobbying très important autour du G20. Ainsi l’édition du G20 Business Summit qui s’est réuni à Séoul en novembre 2010 avec 120 des plus grandes entreprises et hommes d’affaires du monde, devrait être reproduite. [6]

Cette présidence des G8 et G20 constitue une dernière occasion pour Nicolas Sarkozy de restaurer son image dans l’opinion publique française à quelques mois de l’élection présidentielle. À n’en pas douter, il cherchera à se poser en sauveur du monde, comme il s’était présenté en sauveur de l’Europe lors de la présidence française de l’Union européenne en 2008. Il s’érige déjà en grand initiateur du G20, rappelant que celui-ci a été créé en 1999 sur proposition de la France et s’est réuni pour la première fois, sous son impulsion, en novembre 2008. Il prétendra un volontarisme sans faille à résoudre la crise internationale, afin d’éviter le risque qu’« au G20 de crise [succède] un G20 de gestion ». [7]

Pour gonfler l’importance du G20 et donc la sienne, Sarkozy proclame que les derniers G20 ont sauvé l’économie mondiale en répondant à la crise de liquidités, en revalorisant le FMI, en évitant le spectre du protectionnisme et en relançant une « croissance équilibrée ». [8] Les discours officiels récents évitent par contre soigneusement d’aborder la question de la régulation financière, qui avait pourtant été érigée en 2009 à Londres comme la question centrale. Or elle a totalement échappé au G20 depuis.

Nicolas Sarkozy a fixé quatre objectifs à l’ordre du jour de sa présidence :
 la réforme du système monétaire international : construire un « nouveau Bretton Woods » est un sujet cher à Nicolas Sarkozy. Or cette question était jusqu’à présent absente des sommets du G20, et elle devra être discutée au cours du G20 français. Il s’agirait de dissuader les pays excédentaires d’accumuler des réserves de change, d’améliorer la coordination entre zones monétaires pour réduire les déséquilibres économiques mondiaux. Mais cela ne répondra au problème qu’à la condition de pousser dans le même temps à la diversification des devises utilisées dans le commerce international et les actifs de réserve, pour mettre un terme à l’hégémonie du roi dollar, ce dont les États-Unis ne veulent bien sûr à aucun prix. La proposition des États-Unis est de plafonner les excédents à + 4 % du PIB et les déficits à - 4 % du PIB des pays concernés. La France la relaie tandis que les grands pays exportateurs (Chine, Japon et Allemagne) la combattent farouchement.
 La réduction de la volatilité des prix et de la spéculation sur les matières premières agricoles, les produits de base et surtout l’énergie. On peut d’ores et déjà regretter que les propositions effectives restent bien maigres, puisqu’elles ne font état que de la nécessité d’accroître la transparence sur ces marchés, d’améliorer le dialogue entre producteurs et consommateurs ou encore d’étudier les produits dérivés et leurs mécanismes.
 La gouvernance mondiale : deux instances internationales retiennent l’attention de la présidence française. D’une part, Nicolas Sarkozy souhaite voir l’ONU renforcée et son Conseil de sécurité élargi. Il souhaite également intensifier la collaboration entre le G20 et les Nations unies. Mais la contradiction avec l’insistance de la France à faire du G20 le principal directoire mondial, en élargissant par exemple ses compétences aux questions de développement et de climat, ou encore avec la façon dont Sarkozy a dénigré l’ONU juste après le sommet de Copenhague, est flagrante. D’autre part, Nicolas Sarkozy veut continuer la réforme du FMI. À Séoul, a été entérinée la décision de transférer 6 % des voix aux pays émergents, largement vers les pays producteurs de pétrole.
 Les « financements innovants » dont la taxe sur les transactions financières : en effet, devant la réticence des États-Unis, du Canada, de l’Australie et des nouveaux membres du G20 sur le sujet, le thème de la taxe sur les transactions financières souvent défendu par Nicolas Sarkozy (lors du sommet de l’ONU sur les Objectifs du millénaire pour le développement ou lors du dernier sommet de la francophonie) a été élargi à l’ensemble des financements innovants. La taxe sur les transactions financières n’est plus évoquée pour son côté régulateur mais comme un outil pour dégager vingt ou trente milliards de dollars afin de financer la lutte contre la pauvreté mondiale et le réchauffement climatique. La France apparaît tout feu tout flamme au G20, mais est curieusement restée beaucoup plus timide sur cette question au niveau européen, alors même que c’est à ce niveau qu’elle pourrait peser concrètement pour la mise en œuvre de la taxation sur les transactions financières.

Une présidence ambitieuse sur des thèmes chers à la société civile (spéculation sur les matières premières, taxe sur les transactions financières...) mais qui seront abordés par un homme convaincu par le libéralisme. Tentative probable, aussi, à six mois de l’élection présidentielle, de désamorcer les revendications citoyennes en prétendant les reprendre à son compte et s’opposer aux autres États siégeant au G20. Par ailleurs, ce programme fait passer le G20 du statut de forum de coopération pour la sortie de crise et la croissance équilibré à une arène de gestion de l’économie mondiale.

Dans le cadre du G8, Nicolas Sarkozy souhaite que les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme, ou encore le trafic international de drogue soient priorisées. Un autre sujet sur la table concernera les relations du G8 avec l’Afrique. Mais, pour le moment, peu d’informations circulent puisque Barack Obama a fait connaître ses réticences à venir deux fois en France au cours de l’année 2011. Les deux chefs d’État se rencontrant le 10 janvier, nous devrions en savoir plus prochainement.
Réussir une mobilisation massive face aux G8 et G20

En France, les mobilisations face à la présidence française des G8 et G20 commenceront à se faire entendre dès ce mois de janvier, lorsque Nicolas Sarkozy aura pris la présidence du G8.

Une coalition nationale, initiée par Attac et le Crid, se réunit depuis juin dernier afin de préparer des mobilisations massives. Dans les deux contre-sommets en construction, la coalition nationale coordonnera deux initiatives principales. Elle privilégiera des manifestations de rue lors du G8 ; le contre-G20 sera quant à lui axé davantage sur un forum citoyen de plusieurs jours, auquel seront conviés partenaires et mouvements citoyens du monde entier.
La coalition « G8G20-2011 » n’épuisera pas la gamme des initiatives possibles : de nombreuses autres actions et mobilisations cohabiteront au gré de ce que les organisations, associations de solidarité internationale, syndicats, organisations écologistes, ONG de développement ou mouvements de citoyens développeront également, seules ou dans le cadre des réseaux et campagnes déjà existants (sur les paradis fiscaux, pour une taxe sur les transactions financières, sur le climat par exemple).
Sur le récent site de cette coalition - http://altermob.org/ - figurent l’Appel unitaire et la liste des premiers signataires, français et internationaux. La seconde quinzaine de janvier sera l’occasion des premières apparitions publiques de la coalition.

Attac et ses partenaires français feront aussi entendre leur voix lors des G20 thématiques. Les organisations paysannes commencent à préparer des initiatives autour du G20 Agriculture prévu en mai. Attac réfléchit dès maintenant à des formes de mobilisation lors des trois G20 Finance qui émailleront l’année (en février, en mai et en octobre). Attac Campus est engagée dans un collectif d’organisations de jeunesse pour préparer un contre-sommet « Éducation et recherche » à l’occasion d’un G8 Université (en mai, à Dijon).
Sur le plan international, le contenu de l’agenda porté par la présidence française, qui reprend des préoccupations portées de longue date par le mouvement altermondialiste ou les ONG de développement, suscite également beaucoup d’intérêt et les alliances se construisent progressivement depuis le G20 de Séoul ; Attac avait été conviée par les organisateurs de la semaine d’action citoyenne à présenter les perspectives de mobilisations proposées par les mouvements citoyens français pour l’année 2011.

Lors du Forum social mondial de Dakar, en février prochain, les mobilisations G8/G20 seront l’un des axes privilégiés de l’intervention d’Attac : nous coordonnons notamment l’organisation d’un atelier consacré au fond des thématiques portées par la présidence française, de rencontres stratégiques avec les mouvements sociaux des autres continents, et la proposition d’une assemblée de convergence.
Une rencontre internationale de préparation des contre-G8 et contre-G20 devrait se tenir en France fin février-début mars. Nous espérons une participation de quelque 200 militants, principalement européens, afin d’élargir les mobilisations à l’échelle continentale. Nos camarades des Attac d’Europe sont par exemple dans l’attente de ce que le mouvement altermondialiste français proposera. Le G20 et la crise financière constitueront par ailleurs l’un des axes thématiques de la prochaine Université européenne de Fribourg (mardi 9/ dimanche 14 août) – www.ena2011.eu

La réussite de ces deux contre-sommets dépend pour une très grande part de la mobilisation locale tout au long de l’année 2011, en particulier de celle des militants d’Attac. Dans les mobilisations sociales récentes, contre la privatisation de la Poste, contre la réforme des retraites, l’engagement des militants et des groupes Attac a souvent été déterminante dans l’enclenchement de dynamiques larges et unitaires au plan local. C’est pourquoi nous invitons les comités locaux à impulser localement une campagne d’information et de mobilisation autour des enjeux de ce G20, mais aussi à susciter la création de coalitions locales avec leurs partenaires et leurs alliés.

Le comité Attac 06 (Alpes-Maritimes) a initié un collectif dès octobre dernier. Sa troisième réunion se tiendra à Cannes le vendredi 14 janvier. Les comités voisins du quart Sud-Est peuvent se joindre aux camarades de Cannes et Nice pour préparer l’accueil du contre-G20. Pour infos complémentaires ou rejoindre la liste de travail du collectif 06, demandez à g8g20-france@attac.org
En Normandie, à l’appel d’Attac 14 (Calvados), un collectif se constituera sitôt faite l’officialisation du lieu et des dates du G8. Pour infos complémentaires : Maxime, celattac14@gmail.com

Le travail dans Attac
La campagne d’Attac France sur les G8 et G20 de l’année 2011 s’articulera au sein de deux groupes : la commission « Finances », chargée du travail d’expertise, et le groupe « Mobilisations », chargé des questions opérationnelles et du soutien aux comités locaux dans leurs mobilisations.
Vous pouvez vous joindre au travail de la campagne :
 en rejoignant la liste finance@list.attac.org : demander son inscription auprès de martha@attac.org
 en rejoignant la liste de travail du groupe « Mobilisations » : g8-discussion@list.attac.org, qui constitue un espace d’échanges entre comités locaux engagés dans les mobilisations. Demander son inscription auprès de l’adresse g8g20-france@attac.org
Pour rester informés des mobilisations et recevoir les expertises d’Attac, vous pouvez également demander votre inscription à la liste d’information g8-info@list.attac.org - demander son inscription auprès de l’adresse g8g20-france@attac.org

Une formation les 28-29 janvier
Un week-end de formation « G8, G20 et gouvernance mondiale » se tiendra à Paris le samedi 29 et le dimanche 30 janvier. L’objectif de ce week-end de formation est de permettre le renforcement du travail d’éducation populaire de terrain que nous accomplissons. Cette première formation nationale peut servir de point d’appui pour la mise en place d’autres formations, régionales ou départementales, pour que chacun/e puisse s’emparer au mieux des enjeux liés aux G8 et G20 et des alternatives que nous portons. Nous vous invitons à participer à ce week-end (demande d’infos : g8g20-france@attac.org ou Juliette au 01 56 06 43 62)

Attac France,
Janvier 2011
Notes

[1] http://eco.rue89.com/2010/02/17/bnp...

[2] http://www.radiobfm.com/edito/home/...

[3] « Le comité de Bâle donne des ailes aux valeurs bancaires » titrait Les Échos du 27 juillet 2010, au lendemain de l’accord sur Bâle III. « Le Crédit Agricole a gagné 10,14 % et la Société Générale 10,59 %. Non loin derrière, Dexia s’est adjugé 8,10 % et BNP Paribas 5,49 %. Natixis a fini sur un gain de 3,82 % ». Une euphorie partagée par l’ensemble du secteur bancaire.

[4] http://atterres.org/

[5] Lire son histoire ici : http://seoul.blogs.liberation.fr/g2...

[6] Sur leur site internet, il est indiqué que ce sommet “aims to underscore and improve the G20’s role as the premier forum for global economic cooperation and further bolster the credibility of the G20 Summit”. Source : http://www.seoulg20businesssummit.o...

[7] Source : http://www.ambafrance-kr.org/france...

[8] Voir le discours de C. Lagarde du 7 octobre à Washington au “Carnegie Endowment” http://www.carnegieendowment.org/ev...