Notes de lecture : Richard Stallman et la révolution du logiciel libre

, par attac92clamart

Notes
de lecture :

Sam
Williams, Richard Stallman et la
révolution du logiciel libre
, une
biographie autorisée, Edition Eyrolles, 2010, 323 pages, 22 €,
licence GNU FDL.

Cette
biographie n’est pas écrite pour les geeks1
et les nerds2.
Elle s’adresse aux activistes qui militent pour la liberté ; ici,
celle des utilisateurs de logiciels, emprisonnés par les licences
d’exploitation et non par le coût de production et de revente des
logiciels.

Richard
M. Stallman, dit RMS, est un génie des mathématiques. Dès son
enfance, ses capacités intellectuelles liées à ses difficultés à
créer des liens sociaux et amicaux ont été manifestes. Et c’est
tout naturellement qu’il intégra l’université Harvard et ses
prestigieux cours de mathématiques «  accélérés », où
il réussit plus que brillamment tous ses examens. Puis il choisit
d’intégrer le laboratoire d’intelligence artificielle (A.I.Lab),
très prometteur de découvertes à cette époque, au M.I.T
(Massachussets Institute of Technology). C’est là que se réalisa
son passage des mathématiques « pures » à
l’informatique des années 70, bien avant l’ère des ordinateurs
individuels.

L’anecdote
célèbre qu’il utilise pour expliquer son éveil à la philosophie,
puis à l’activisme de la liberté, est celle d’un banal bourrage de
papier de l’imprimante laser du laboratoire. Elle avait été offerte
par une grosse firme et avait la fâcheuse habitude de caler au
cours des impressions. Ce qui obligeait les utilisateurs à se
déplacer fréquemment pour en vérifier le bon état. Stallman eut
l’idée d’améliorer la configuration de l’engin et découvrit qu’il
ne le pouvait pas. La firme n’avait pas laissé l’accès aux
programmes qui pilotaient l’imprimante, interdisant toute
modification. Il put néanmoins s’en débrouiller. En bon
bidouilleur3,
il inséra un programme dans l’ordinateur central du A.I.Lab. qui
informait les utilisateurs, qui avaient envoyé une commande
d’impression, qu’un nouveau bourrage papier s’était produit et les
invitait à se déplacer.

Cette
célèbre anecdote permet à Richard Stallman d’expliquer, dans ses
nombreuses conférences de part le monde, comment il rencontra le
copyright qui l’empêchait de pouvoir utiliser librement les outils à
sa disposition. Cette nouveauté lui fit découvrir son
asservissement aux firmes, via les licences d’exploitation. Le
matériel n’était pas pleinement en sa possession : on le privait
d’en faire ce qu’il voulait et surtout de le réparer ou de
l’améliorer. La question éthique de la liberté s’imposait à lui
en s’immiscant dans sa vie.

De
là, il entreprit avec ses collègues, du MIT et d’ailleurs, d’écrire
des logiciels libres : sans ligne de code qui proviendrait d’un
logiciel sous copyright et librement adaptable par quiconque, pourvu
qu’il fasse part à la communauté de ses améliorations en diffusant
le « code source » du programme. Ne pas garder pour soi
ses découvertes et les confronter aux découvertes des autres : une
démarche que tout scientifique ne peut que partager. Mais pas les
firmes ni certains collègues appâtés par les sommes faramineuses
qui pointaient à l’horizon grâce aux royalties des brevets et non
de l’utilité et de la performance des programmes.

Ce
projet qu’il appela GNU4,
commença par quelques programmes, comme Emacs, et d’autres qui sont
encore très connus et utilisés plus de 30 ans après leur écriture.
Emacs était tellement bien conçu, qu’on put lui ajouter plein de
fonctions, dont une pour surfer sur le web, ou envoyer ses emails. Ce
qui n’était guère envisageable en 1980 ... La technique consistait
soit à produire des logiciels manquants et de les créer, soit de
réécrire un logiciel déjà existant, mais d’une manière
différente et sans ligne de code comparable afin de ne pas risquer
un procès et surtout pour l’améliorer dans les directions que le
logiciel sous copyright ne pouvait supporter.

Le
projet GNU se développa et essaima plutôt vite. Il fallut le
protéger et l’équiper d’une licence d’exploitation, mais pas dans
le sens de la privation et de l’interdiction : dans le sens de
l’obligation (de redistribution, de diffusion du code source, etc …).
C’est ce tour de force, d’inversion de l’effet des brevets, qui
permit l’engouement des programmeurs, qui s’agrégèrent en une
communauté éparpillée de part le monde. Cette licence à effet de
copyleft5
obtint de nombreux succès. A force de diplomatie et de stratégies,
les entreprises rétrocédaient certains programme « phares »
sous licence libre et laissaient la communauté les prendre en
charge, les améliorer, les développer. Ce qui n’a pas empêché ces
entreprises de faire beaucoup d’argent, grâce à cette publicité ou
des savoirs faire annexes qui intéressaient des projets commerciaux.

Dans
ce rêve de liberté, il manquait le système d’exploitation. Jusque
là les programmes tournaient sur un ordinateur central piloté par
un système d’exploitation dont la licence avait été achetée ou
dont il fallait tous les ans payer un abonnement afin d’avoir les
nouveautés. Stallman et ses amis se mirent au travail d’un système
complet. Le travail avança, mais prit beaucoup de retard au niveau
du noyau, la couche la plus basse du système, celle qui communique
directement avec les composants. Un informaticien finlandais, qui
avait écouté R.M.S. à l’une de ses conférences (et en était
sorti dubitatif), développa sur son temps libre et pour s’amuser, un
noyau qu’il testa puis diffusa dans la communauté. Il s’avéra
rapidement que c’était l’élément qui manquait. Mais il n’était
pas indemne de code privé. Donc, ne satisfaisait pas pleinement la
licence GPL. L’équipe GNU continua donc à développer son noyau6.
On donna le nom de « GNU / Linux » aux systèmes qui
faisaient cohabité ces deux éléments7.

Depuis
lors, les systèmes GNU / linux se sont énormément développés et
n’ont plus l’aspect rébarbatif des années 90 et début 2000 ; ils
ne sont plus réservés aux informaticiens et aux nerds. Ils sont
devenus aussi faciles à installer et maintenir que le système
monopolistique planétaire « Windows ©®8 ».
Et bien plus fiables et surtout réparables. L’autre système qui
existe à côté n’est plus que l’ombre de lui-même : l’entreprise
Apple a été en grande partie rachetée par Microsoft, ce qui a
permis à celle-ci d’éviter un procès pour trust9
et son noyau est très inspiré du noyau linux ! Aujourd’hui, Apple
gagne de l’argent avec ses téléphones et ses baladeurs mp3, pour
lesquels on ne peut utiliser que le logiciel (hyper)privatif iTunes
qui sert de plateforme de vente de musique. Les évolutions des iPod
(et autres iPhones) ne montrent guère d’amélioration technique
substantielle, mais une constante volonté d’interdire la connexion
avec le PC si l’on veut contourner le fameux Tunes. Tout l’inverse de
la philosophie GNU !

A
l’appui du projet GNU10,
une fondation a été créée : la Free Software Foundation11
qui promeut les logiciels libres et maintient la disctinction,
essentielle pour Richard Stallman, d’avec les logiciels
« open source ». Pour ceux-ci le code est ouvert et
donc lisible par tous mais la redistribution est très encadrée et
ne s’ennuit pas des problèmes de codes privés : de nombreux
compromis sont faits avec les grosses firmes. Mais il est indéniable
que les mouvements open-source, via les logiciels gratuits12,
ont participé du développement de l’esprit libre. Le slogan de
Stallman, « libre comme la liberté » 13
(mais pas libre comme gratuit), marque la frontière avec le
mouvement open-source. Pour eux, la liberté compte assez peu, elle
s’accommode de nombreux accords et autres contrats. Ce qui fait
hurler Stallman, pour qui elle n’a pas de pris. On peut lui opposer
que le temps passe et sans linux et l’open-source, les notions
portées par le projet GNU auraient déjà déclinées car
insuffisamment mature. Les utilisateurs « voudraient » un
système qu’ils peuvent utiliser et non d’un système qu’ils pourront
un jour installer et en attendant tester.

Pour
aller un peu plus loin, on peut considérer que le travail
inestimable de Richard Stallman et de ses amis s’inspire et peut se
ranger dans la série des désobéissants. Richard Stallman explique
qu’il a lu Thoreau, qui inspire aux Etats-Unis tous ces mouvements
qui refusent ce qu’on veut leut faire prendre comme étant
incontournable.

Au
AI Lab, les étudiants et chercheurs avaient l’habitude de crocheter
les serrures ou de passer par les faux plafonds pour libérer les
terminaux d’ordinateurs emprisonnés dans leur bureau par les
professeurs. Ces terminaux ne servaient à rien pendant des heures ou
des week-ends, alors que nombre d’étudiants ou chercheurs auraient
pu les utiliser pour travailler.

Pour
aller plus loin :

la
page perso de RMS : http://stallman.org/

la
page sur Richard Stallman sur wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Stallman

la
page sur Richard Satllman chez Framasoft :
http://www.framabook.org/stallman.html

les
articles référencés à RMS sur Framasoft :

http://www.framablog.org/index.php/tag/Stallman

le
livre « Free as in Freedom » à lire en ligne (en
anglais) :

http://oreilly.com/openbook/freedom/

La
biographie en accès libre en html
(navigateur internet) : http://forge.framabook.org/stallman/

en
pdf :
http://www.framabook.org/docs/stallman/framabook6_stallman_v1_gnu-fdl.pdf

Texte
écrit avec openoffice, sous GNU / Linux Debian, eric "point" colas "at" evab "point" org

1Personne
passionnée d’informatique, de sciences fictions, de fantastique, de
jeux de rôle, de wargames, de comics, etc ...

2Personne
passionnée de l’informatique seule ; le nerd est une catégorie de
geek.

3hacker,
en anglais.

4GNU
est un acronyme récursif typique des informaticiens et qui fait
 ;référence au système qui était rivalisé, GNU veut dire « Gnu
is Not Unix », un jeu de mots classique des informaticiens

5Encore
un jeu de mot, plus classique celui-là : le propiriétaire
abandonne ses droits privatifs, il les laissé de côté, les
abandonne.

6Son
retard s’est accumulé : il n’est toujours pas prêt, mais on peut
le tester.

7L’usage
habituel est d’appeler cela linux,mais c’est un abus de langage.

8Copyright
et trade mark : marque déposée avec brevet d’exploitation ...

9Les
monopoles sont interdits aux Etats-Unis et regardés de très près,
ce qui occasionne de nombreux procès pour ententes illégales ; la
libre concurrence est donc toujours la règle !

12Gratuiciels
en français

13Du
titre de la précédente version de cette biographie : « Free
as freedom ».