Intervention dans le débat « pour une tarification sociale de l’eau » Samedi 12 septembre 2009 à la fête de l’Humanité

, par attac92clamart



Intervention dans le débat « pour une tarification sociale de l’eau »

Samedi 12 septembre 2009 à la fête de l’Humanité



Présentation de la Coordination Eau Île-de-France


Créée il y a un peu plus d’un an, la Coordination Eau Île-de-France réunit des groupes locaux d’ATTAC, de l’ACME, des associations de gauche citoyenne, des usagers et des élus de diverses sensibilités de gauche. Sur le territoire de l’Île-de-France, il y a autour de l’eau, d’énormes enjeux, économiques, sociaux et environnementaux mais les usagers et leurs associations sont éloignés de centres de décisions très concentrés et sont peu entendus. Aussi il s’agit avec la Coordination qui s’est constituée en association, d’atteindre une masse critique pour commencer à peser sur les décisions qui concernent l’eau.


L’étude de l’Obusass


L’étude menée par l’Observatoire des usagers de l’assainissement (Obusass) du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), présente un très grand intérêt. Elle marque la reconnaissance institutionnelle de la quasi-absence de mise en œuvre du droit d’accès à l’eau en France malgré les intentions affichées par la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006. L’étude montre qu’en Île-de-France, les plus démunis peuvent voir 7, 8, 9% (jusqu’à 9,29%) de leur ressources consacrées à l’eau ! Et Alain Outreman, président de l’Obusass, d’interroger : comment parler de « conditions économiquement acceptables » dans ce cas ? Le constat est implacable : la facture d’eau creuse les inégalités sociales et le système actuel d’aide ne fonctionne tout simplement pas.


La proposition de tarification sociale de l’Obusass


Cette proposition a tout d’abord le mérite d’exister et d’ouvrir un débat public sur les modalités concrètes d’application du droit à l’eau, ce dont nous nous félicitons. Elle consiste « à fixer un seuil abordable du poids de la charge d’eau à savoir 3% » par le versement par les CAF d’une allocation eau qui compenserait les dépenses au-delà du seuil.


Nous y voyons cependant deux limites. La première, c’est de ne concerner que les personnes percevant les minima sociaux de la CAF. Cela signifie qu’une partie importante des plus démunis (sans-papiers, résidents d’hôtels privés, squatters, etc.) ne seraient pas concernés par cette mesure. Ce qui représente sans doute plusieurs dizaines de milliers de personnes à l’échelle de l’Île-de-France.


La seconde limite est qu’il s’agit d’un mécanisme d’assistance avec tout l’encadrement social que cela suppose. Qu’on le veuille ou non, les personnes aidées sont différenciées socialement. Aussi nous préférons un accès libre pour tous (par une première tranche gratuite dont le volume peut être discuté) de nature à créer de l’égalité entre tous les citoyens.

Le dispositif proposé par l’Obusass rend l’inégalité supportable –ce qui est déjà un premier pas important- mais il conserve l’inégalité entre la personne démunie pour laquelle l’eau représentera 3% du budget et la personne aisée pour laquelle l’eau représentera 0,1 ou 0,01% du budget.


Au-delà, nous souhaitons la mise en place d’une tarification progressive, dans l’esprit de la LEMA, socialement et écologiquement juste. Aujourd’hui c’est au contraire, une tarification dégressive qui est en place, par exemple au Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF) : la ville de Neuilly-sur-Seine bénéficie ainsi de ristournes énormes tandis qu’à l’inverse, c’est en Seine-Saint-Denis que l’eau est la plus chère en moyenne départementale ! Dans une même ville, dans un même bailleur public, d’un immeuble à l’autre, des écarts considérables existent, de l’ordre de 20% des tarifs de l’eau. Il est indispensable que la discussion ouverte par la proposition de l’Obusass aboutisse à une refonte générale d’un système de tarification qui a fait son temps.


Le financement de la tarification sociale


Il s’agit d’un des nœuds du débat. Là aussi, nous nous félicitons que l’Obusass ne fasse pas supporter sur les seuls usagers domestiques le poids du dispositif envisagé. « L’alimentation de ce fonds pourrait se faire par la contribution financière des syndicats de distribution et d’assainissement, des collectivités territoriales, de la Région, de l’Etat dans le cadre de la solidarité nationale, des grands groupes de l’eau dans le cadre d’un encadrement des modalités de leur participation (si possible législatif) et sur une part consacrée de leurs plus values ». Fait nouveau, comme l’indique une tribune parue dans Le Monde, « la mise en oeuvre de cette nouvelle mesure obligerait les grandes compagnies aux profits insolents à participer au financement de ce nouveau droit à l’eau ». Oui, il faut passer aux actes !


L’Obusass a enfin le mérite de donner une estimation du coût du dispositif proposé : il serait de l’ordre de 18 millions d’euros pour toute l’Île-de-France. En comparaison de la facturation totale du service de l’eau en IDF, soit environ 2 milliards d’euros, il s’agit …d’une goutte d’eau ! Nous remarquons en outre que des marges de manœuvres colossales existent dans la gestion actuelle de l’eau. Ainsi les bureaux d’études mandatés par le SEDIF ont montré pour ce seul syndicat, qu’une « économie » de 40 à 45 millions d’euros par an pouvait être réalisée (sur un budget d’un peu plus de 300 millions d’euros) ! Il n’est donc pas difficile de trouver l’argent qui coule à flots dans la gestion de l’eau. Et si on veut aller un peu plus loin, il faut revenir à une gestion publique comme le fait Paris en ce moment, qui coûtera bien moins cher !


Jean-Claude Oliva

Président de la Coordination Eau Île-de-France