"Tout le monde a intérêt à transformer Internet en Minitel"

, par attac92clamart




 

Enfin un article intéressant sur le web et la loi HADOPI !

« Tout le monde a intérêt à transformer Internet en Minitel »

interview de Benjamin Bayart par Astrid Girardeau, Libération, le vendredi 6 février 2009

Héberger ses vidéos sur YouTube ou utiliser un compte Hotmail, est-ce encore Internet ? A l’origine, le net a la particularité d’être un réseau où rien n’est centralisé, où les données ne sont pas stockées dans un seul et même endroit. Or pour Benjamin Bayart, président de FDN (French Data Network), le plus vieux fournisseur d’accès Internet français, cette structure est en danger. Selon lui, un ensemble de décisions politiques, économiques et techniques tendent à transformer, depuis quelques années, Internet en réseau finalement proche du Minitel. Parallèlement il dénonce les atteintes à la

neutralité du net. Notamment par les projets de loi de filtrage actuellement en préparation par le gouvernement français : Loi Création et Internet, Charte de confiance, etc.

Lors des rencontres mondiales du logiciel libre d’Amiens, en juillet 2007, Benjamin Bayart exposait son propos lors d’une conférence, intitulée

Internet libre ou Minitel 2.0, dont la vidéo a depuis été très consultée. Et nous a donné envie de le rencontrer.

 

Qui a intérêt à transformer Internet en Minitel ?

 

Tout le monde. Car Internet représente une révolution, au même titre que l’imprimerie. Et les gens à qui Internet fait peur sont à peu près les mêmes à qui l’imprimerie faisait peur. Tout d’abord, ce sont ceux qui ont un business en place. Les éditeurs de DVD ayant remplacé les moines copistes. Ensuite les politiques, qui préfèrent que le peuple se taise. Lors du traité européen, c’était le seul lieu de contestation. Et finalement les gens ont voté non. Cela concernait 10% de la population, ça n’a donc pas eu un réel poids électoral, mais c’est un reflet. Internet est une fenêtre d’expression. Or les politiques préfèrent le modèle TF1 qui calme les esprits, comme nos rois n’avaient pas envie qu’on diffuse du Voltaire ou du Montesquieu. Enfin, ce sont les marchands de tuyaux qui ont tout un intérêt à un Internet à péage où les contenus sont contrôlés et bien rémunérés.

 

La faiblesse du Minitel était qu’il était un réseau centré. L’avantage d’Internet est d’être décentralisé. Et même acentré. C’est ce qui fait tout la différence entre Internet et les autres réseaux. Et ce qui permet à chacun d’innover. Là, on est à cheval entre les deux. Il y a une citation de Linus Tovalds (créateur du noyau Linux) qui disait en 1995 : « les backups c’est pour les fillettes, les vrais hommes mettent leurs données sur un serveur FTP et laissent le reste du monde créer des miroirs. » Or si vous regardez le noyau Linux, son code source est un paquet de données, au même titre qu’un film ou qu’un livre, dont toutes les versions, depuis la première en 1991-92, sont sur le net. Comme elles sont librement copiables, il y en a des centaines de milliers de copies. Chacun de ces sites peut disparaître, on ne perdra jamais son contenu.

 

De l’autre côté, il y a la bibliothèque numérique : je n’ai pas le droit de faire de miroir pour que les données ne se perdent pas. Tout est gardé sur un gros ordinateur central en espérant que ça ne crame pas. Comme dans la scène de Rollerball où un scientifique gueule contre un ordinateur : « Cette saloperie m’a perdu tout le XIIIe siècle ! » C’est du Minitel. C’est tout le contraire d’Internet, et c’est très dangereux. On sait que la bibliothèque d’Alexandrie, ça finit toujours par brûler.

 

On le sait, mais on continue ?

Oui. Et ça n’est pas une question neutre de savoir si, le savoir de l’humanité, on va le garder ou on va le perdre comme des cons. Par exemple, la Nasa n’est pas capable de relire les vidéos des différents alunissages. Ils n’ont plus de magnétoscope capable de lire le modèle de bande magnétique sur lequel ils les ont enregistré. Ils ont des copies, mais plus accès aux bandes originales. Et ça plaide pour deux choses. Un : des formats ouverts et standardisés. Deux : le droit de les copier. Quand je reçois un DVD de chez Amazon et en fait une copie pour mon lecteur portable, j’en fait une copie privée. Ce qu’on essaye de m’empêcher de faire. Mais je fais un boulot de conservateur à ma petite échelle puisque je fais la copie d’un savoir qui se perdra d’autant moins. Et plus on fait de copies, moins il se perdra.

Lire la suite avec le lien ci-dessous vers Libération ou dans le fichier pdf de l’interview.

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